Série OSBL – 1er article – Date de publication originale : 18 novembre 2016
Cet article est tiré de la conférence donnée le 29 septembre dernier au cabinet d’avocats Blakes. Cette conférence était présentée par Paul Martel et animée par Eleonore Derome. Les panélistes étaient Delia Cristea, Power Corporation, pour le volet "sociétés contrôlées", Ève Giard, Caisse de dépôt et de placement du Québec, pour le volet "sociétés d'État" et Emmanuelle Létourneau pour le volet "OSBL".
Dans une organisation sans but lucratif, ou OSBL, le rôle du conseil d’administration est ambigu et délicat à la fois. L’OSBL voit premièrement en ses administrateurs des sources de financement. L’administrateur voit dans son rôle une source de développement professionnel ou un moyen de redonner à la communauté. Quant à la loi, elle donne à l’administrateur la responsabilité d’assurer la pérennité de l’organisation et prévoit des recours contre lui. La conciliation de ces trois perspectives devra prendre en compte la mise en place d’une saine gouvernance au sein de l’organisation.
D’autant plus que les OSBL ont une valeur sociale et économique importante dans notre société. La première, la valeur sociale, se passe de démonstration : il suffit de penser à la Société canadienne du cancer, ou encore à la Croix-Rouge.
La seconde, la valeur économique, est liée au fait que les OSBL créent l’emploi de 2 millions de personnes au Canada, soit 11 % de la population active, et que leur chiffre d’affaires combiné est estimé à près de 8 % du PIB du Canada[1].
Parallèlement au monde des OSBL, une étude de la Banque de développement du Canada s’est récemment intéressée à l’impact pour les PME d’avoir un comité consultatif (qui est comparable à un conseil d’administration). Parmi tous les chefs d'entreprise interrogés, 86% considèrent que la gouvernance a un impact important sur le succès de leur entreprise. Ce constat peut être importé aux conseils d’administration des organisations sans but sans lucratif. En effet, qu’une organisation soit à but lucratif ou non, elle doit se préoccuper de stratégie, de relève, d’innovation, pour n’en nommer que quelques-uns, et ainsi bénéficier des avantages liés à la gouvernance.
Il n’est pas étonnant dans ce contexte que les OSBL invitent des personnes externes à leur organisation à y siéger. Pour qu’un conseil d’administration joue tout son rôle, celui d’assurer la pérennité de l’organisation en ayant une vision stratégique et non opérationnelle, celui-ci devra être composé d’un nombre certain de membres indépendants. Ceux-ci ne devront pas être impliqués au quotidien dans l’organisation et, de plus, leurs compétences devront être complémentaires à celles des membres de la direction.
Et quand est-il de la responsabilité de l’administrateur ?
Il y a deux types de bénévoles dans un OSBL : ceux qui ont une responsabilité limitée à leurs propres actes (ex : un bénévole à la cuisine ou à l’accueil), et ceux qui ont une responsabilité pour l’ensemble de l’organisation et qui, de surcroît, doivent fournir du financement à l’organisation. Le deuxième cas de figure correspond à l’administrateur.
Si vous hésitez à devenir administrateur à cause des risques reliés à votre responsabilité, voici comment la limiter afin que celle-ci ne vous apparaisse pas comme un obstacle insurmontable à devenir administrateur d'OSBL.
En bref, l’administrateur fait face à une responsabilité statutaire et à une responsabilité civile[2].
La responsabilité statutaire : elle concerne le paiement des salaires, des retenues à la source, des retenues d’impôts, et le respect des lois. Une déclaration de la direction déposée au début de chacune des réunions du conseil d’administration à l’effet que les salaires ont été payés aux employés, que les retenues à la source tout comme les impôts ont été versés au gouvernement, et que les lois ont été respectées, sera un bon moyen de défense pour l’administrateur s’il est poursuivi. La responsabilité statutaire peut être assez bien gérée.
La responsabilité civile : les administrateurs ont le devoir d’agir avec prudence et diligence dans le meilleur intérêt de l’organisation. Aussi, une police d’assurances est fortement recommandée afin de couvrir le paiement des frais juridiques, mais elle n’est pas tout : elle n’est pas suffisante en soi à démontrer que l’administrateur a bien fait son travail.
Heureusement, il est reconnu par les tribunaux, tant pour les entreprises commerciales[3] que pour les OBNL[4] que les pratiques de gouvernance mises en place par le conseil d’administration servent de bouclier à la responsabilité des administrateurs.
Ainsi, la gouvernance est essentielle pour assurer une meilleure gestion de l’organisation et assurer sa pérennité, mais aussi, pour protéger les administrateurs. Une fois d’accord avec cela, comment implanter la gouvernance dans un OSBL ?
La suite, dans un prochain article ! Nous y verrons comment mettre en place la gouvernance. Entre-temps, n’hésitez pas à m’écrire à gouvernance@letourneau.lu.
Formation disponible : « L’OSBL, la gouvernance et vous ».
À bientôt !
Emmanuelle Létourneau
©Emmanuelle Létourneau, 2016
Ce texte ne constitue pas un avis juridique.
[1] GAGNÉ, Jean-Paul et LAPOINTE, Daniel, « Améliorez la gouvernance de votre OSBL », Les Éditions Transcontinental, page 12, 2016.
[2] Pour en savoir plus sur la responsabilité des administrateurs, lire MARTEL, Paul, « Administrateurs de personnes morales sans but lucratif : le guide de vos droits, devoirs et responsabilités », Éditions Wilson, Lafleur, Martel, 2016.
[3] Magasins à rayons Peoples inc. (Syndic de) c. Wise, [2004] 3 R.C.S. 461, 4 C.B.R. (5th) 215, REJB 2004-72160, 2004 CSC 68.
[4] 3716724 Canada Inc. v. Carleton Condominium Corporation No. 375, 2016 ONCA 650, 20160820.