Date de publication originale : 20 octobre 2016
Depuis quelques temps, le mot « innovation » est sur toutes les lèvres. Au sens large, l’innovation peut inclure l’amélioration continue tout comme les changements de modèles de produits. Au sens strict, l’innovation est celle qui bouleverse l’entreprise et son marché. Quelle soit prise au sens large ou strict, elle est jugée cruciale pour les entreprises.
En effet, le monde change à un rythme s’accélérant, modifiant le paradigme de l’entreprise. Ces changements sont d’ordre technologique, social ou juridique : il est difficile de les classer dans un ordre d’importance, ils viennent en bataillon bousculer façon de penser et d’agir. Ils sont, la plupart du temps, reliés.
Par exemple, l’urgence environnementale fait en sorte que les entreprises doivent changer leur façon de faire sous la pression sociale ou encore parce que la législation l’exigera dorénavant.
On pense à tous les groupes de pression qui s’activent autour des entreprises et avec lesquels le dialogue doit être sincère. Un autre exemple éloquent est la réglementation bannissant le plomb en Europe, il y a une dizaine d’années, qui a forcé les entreprises à changer la composition de leurs produits. Dans la même veine, que dire du changement spectaculaire qui serait conséquent à l’interdiction par l’Allemagne des voitures fonctionnant à l’essence et au diesel, et ce, d’ici à 2030 ?
« Que doit faire une entreprise face à ces changements ? S’adapter ! »
Les changements technologiques qui surviennent sont tellement radicaux qu’ils sont regroupés et considérés comme la « 4e révolution industrielle ». Celle-ci fait sauter la barrière du temps et de l’espace. On peut penser à l’Internet des objets ou à l’imprimante 3D (ou fabrication additive). Pris individuellement, ces changements peuvent être qualifiés de « technologies de rupture ». Au rythme où vont les changements technologiques, demain est maintenant hier.
De ces changements technologiques, des concurrents situés à l’autre bout du monde deviennent des concurrents directs. Ces concurrents, souvent situés dans des juridictions où le coût de production est inférieur, vous copient et vous forcent à renier le statut quo. Sans compter les concurrents qui ne sont pas sur le radar car ils n’ont pas encore fait leur « coming out » : dans le domaine de l’automobile, pensons à Tesla Motors avec son modèle C ou à Google avec la voiture Google. Qui aurait cru que Google allait produire des automobiles ? Quel fabriquant automobile l’avait incorporé dans sa veille concurrentielle ? Ces cas sont de bons exemples d’innovation au sens strict.
En 2016, aucune entreprise ne peut se sentir en position dominante et inattaquable en se basant sur ses succès passés. Elle doit plutôt anticiper les changements pour s’adapter rapidement. Elle doit, dans la mesure du possible, redéfinir les règles du marché, quitte à changer le modèle d’affaires de l’entreprise. Et ce, avec un droit à l’erreur limité. La direction de l’entreprise n’est pas seule face à ce défi. Heureusement, elle a un allié : son conseil d’administration.
« Mais, quel rôle le conseil d’administration doit-il jouer en matière d’innovation ? Chose certaine : il devra respecter une règle fondamentale. Le conseil d’administration n’a pas de rôle opérationnel. Ainsi, il n’innovera pas lui-même. »
Le conseil d’administration est responsable d’assurer la pérennité de l’entreprise. À ce titre, il est responsable de son plan stratégique et de déterminer son modèle d’affaires. Ces deux éléments sont issus d’un exercice de planification stratégique, qui est essentiel au succès à long terme de l’entreprise. Il permet de faire le point sur le positionnement actuel de l’organisation et de déterminer son positionnement futur, tout en détaillant les moyens pour s’y rendre.
Plusieurs questions reliées à l’innovation, au sens large comme au sens strict, seront sur la table au moment de faire cet exercice. De quels produits ou services les clients auront-ils besoin demain ? Quels sont les procédés de fabrication ou d’élaboration des services qui deviendront désuets ? Qui sont les compétiteurs et comment faire en sorte qu’ils ne prennent pas la position dominante ? Que faut-il modifier afin d’atteindre de nouveaux marchés à l’étranger ? Comment les processus de l’entreprise peuvent-ils être améliorés afin de les rendre plus efficaces ? Dans ce processus de planification stratégique, le conseil d’administration aura la distance nécessaire des impératifs quotidiens de l’entreprise, par rapport à la direction qui est collée aux opérations.
« L’exercice de planification stratégique dont découle le plan, est un moment clef pour élaborer un plan d’innovation. Pour l’établir les clients, les employés et les fournisseurs, et d’autres parties prenantes, seront consultés. »
Le passé n’est plus garant de l’avenir. Le conseil d’administration, dans son rôle de supervision doit s’ajuster et redéfinir son rôle pour accompagner la direction. L’innovation peut avoir plusieurs facettes, celle de l’innovation dans les produits ou services, dans les processus, dans le modèle d’affaires ou dans la commercialisation. Le plan stratégique apparaît comme un bon vecteur pour l’innovation afin d’en déterminer la forme et la force, d’en évaluer l’impact et la mise en place, et surtout, de la déployer de façon cohérente. L’innovation doit être ancrée par le conseil d’administration dans la planification stratégique.
« En conclusion, le conseil d’administration a un rôle à jouer dans l’innovation de l’entreprise. Il a des outils importants pour la rendre possible. Une condition de départ pour qu’il puisse le faire est de sortir du confort de la conformité et de la reddition de comptes pour embrasser un rôle stratégique. »
Dans de prochains articles, nous distinguerons les types d’innovation et nous déterminerons les outils à la disposition du conseil d’administration pour l’aider à rendre possible l’innovation dans l’entreprise.
Entre-temps, n’hésitez pas à m’écrire à gouvernance@letourneau.lu
À bientôt.